La Grameen propose aux Indiens démunis un service bancaire par téléphone
La banque Grameen, fondée au Bangladesh par Muhammad Yunus, lauréat du prix Nobel de la paix, va proposer aux plus démunis d'Inde des services bancaires via le téléphone portable, grâce à un partenariat signé, mercredi 6 août à Bombay, entre sa filiale Grameen Solutions et le spécialiste américain des paiements sur portable Obopay.Dans les zones rurales et isolées, le manque d'infrastructures bancaires freine le développement de la microfinance. "Il est inconcevable de dépenser en moyenne 20 roupies pour récupérer une somme de 25 roupies. Tout est une question d'accès. Et pour des raisons de coût, il est encore impossible de proposer nos services à certaines personnes isolées", a expliqué Kazi Islam, le président de Grameen Solutions, lors d'une conférence de presse. L'objectif annoncé est de proposer des services bancaires à 1 milliard d'utilisateurs de téléphones portables d'ici dix ans.
Grâce au téléphone, la banque est à portée de main. Quelque 310 millions d'Indiens possèdent un portable, et le pays compte 8 millions de nouveaux abonnés chaque mois. Surtout, le téléphone peut remplacer une agence bancaire à moindres frais. Un rapport publié en avril par le Groupe consultatif d'assistance aux pauvres, qui dépend de la Banque mondiale, estime qu'il permet de réduire de 50 % le coût des services bancaires.
CONTOURNER LES USURIERS
En
ouvrant un compte depuis un portable, les utilisateurs pourront non
seulement placer leur argent en sécurité mais également percevoir des
intérêts. Dans chaque village, un commerçant, nommé "correspondant
bancaire", sera formé pour recevoir les sommes en liquide et effectuer
les transferts. L'accès aux emprunts via le téléphone permettra
également de contourner les usuriers, qui pratiquent des taux
exorbitants. Et par un simple SMS, les travailleurs émigrés pourront
effectuer des virements à moindre coût, depuis l'étranger, à
destination de leur famille.
Pour que la banque puisse
fonctionner par téléphone, encore faut-il que les utilisateurs sachent
s'en servir, et surtout, qu'ils soient capables de lire et d'écrire. En
Inde, 35 % de la population est illettrée. Pour éviter les erreurs de
saisie, un service de messagerie vocale, disponible dans une vingtaine
de langues, demandera à chaque utilisateur de confirmer l'opération par
la saisie d'un code secret. Les "correspondants bancaires", formés par
les ONG de microfinance, seront chargés de les assister et de les
familiariser avec l'univers bancaire.
"Les ONG de microfinance
offrent des services qui vont au-delà de transactions bancaires. Elles
jouent un rôle indispensable auprès des plus pauvres qui ne sont pas à
l'aise avec les offres d'épargne ou d'emprunts", souligne Carol Realini, présidente d'Obopay. "Le téléphone portable motive les utilisateurs à apprendre à lire et à écrire",
ajoute même le directeur d'Obopay en Inde, Aditya Menon, qui cite
l'exemple d'utilisateurs, analphabètes, qui ont appris à écrire en
rédigeant des SMS à partir du clavier de leur téléphone.
Le
projet, expérimenté en Inde et au Bangladesh, sera financé par des
établissements bancaires traditionnels, dont la Société générale, et
des opérateurs de télécommunications. Il s'agit, pour eux, de se
positionner sur un marché prometteur. En Inde, 34 % de la population
seulement possède un compte bancaire, et la moitié ne peut y avoir
accès plus d'une fois par mois.
D'après une étude publiée par le
cabinet de conseil Boston Consulting Group, ceux qui sont aujourd'hui
exclus du système bancaire pourraient générer, d'ici à 2015, en Chine,
en Inde et au Brésil, 85 milliards de dollars (56,6 milliards d'euros)
de revenus supplémentaires dans ce secteur. Grâce au téléphone, les
pauvres représentent déjà un marché d'avenir pour les banques.
(Source: lemonde.fr, 09/08/2008)