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Promotion de la bancarisation en Afrique
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8 mai 2008

Banques : les grandes manœuvres

Trop nombreuses et souvent sous-capitalisées, les banques de la zone franc constituent une cible privilégiée. Face à elles, des poids lourds marocains en quête de nouveaux marchés. Et des groupes nigérians en ordre dispersé.

Longtemps seuls acteurs internationaux dans la région, les banques françaises « ne sont plus tellement intéressées par l’Afrique subsaharienne, explique Koné Dossongui, banquier et patron du Groupe Banque Atlantique. Prenez le cas de la Côte d’Ivoire, où elles étaient autrefois les premières. Aujourd’hui, avec nos deux établissements, nous sommes deuxième sur le marché, juste derrière la Société générale, mais loin devant BNP Paribas. Et je ne parle même pas du Crédit Lyonnais. » Marché emblématique, la Côte d’Ivoire a en effet vu, ces dernières années, l’émergence et le développement rapide d’Ecobank, de Bank of Africa et des deux banques du Groupe Banque Atlantique. Mis à part la Société générale, qui semble repartie à l’offensive, les établissements français donnent l’impression de caler. Au sud du Sahara, aucun n’a fait d’acquisition depuis le rachat, en 2003, de SSB Bank, le quatrième établissement du Ghana, par la Société générale, pour 23 millions de dollars. Historiquement présents en Afrique, BNP Paribas et la Société générale semblent avoir davantage concentré leurs efforts dans le nord du continent et dans d’autres parties du monde, notamment en Europe de l’Est. Le Crédit agricole - qui a pourtant récupéré les actifs du Crédit Lyonnais, parmi lesquels cinq banques subsahariennes -, paraît quant à lui presque inexistant. Et aucun nouvel acteur français n’est venu donner un coup de fouet au secteur dans la zone CFA, alors même que deux établissements britanniques, Barclays et Standard Chartered, faisaient bouger leurs homologues d’Afrique anglophone.

Cent banques dans l’UEMOA ! Pourquoi une telle désaffection ? Certes, porté par la très bonne santé de la plupart des établissements, le paysage bancaire de la zone franc tarde à entrer pleinement dans la modernité. De nombreuses banques ont vu le jour ces dernières années, mais sans réellement dynamiser le marché. Certaines, financées par des fonds publics ou suscitées par des initiatives publiques - comme les différentes filiales de la Banque régionale de solidarité ou celles de la Banque sahélo-saharienne pour l’investissement et le commerce -, cherchent leur positionnement. En revanche, côté privé, le Groupe Banque Atlantique a bousculé le marché, en ouvrant des filiales dans six pays d’Afrique de l’Ouest. Dans son ensemble, la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a vu le nombre de ses banques s’accroître assez fortement au cours des dernières années, passant de 66 à la fin de 2002 à 97 à la fin de 2007. Une augmentation de près de 47 % d’autant plus paradoxale que, au même moment, les plus grands pays subsahariens, dont le Nigeria et le Kenya, voyaient le nombre de leurs établissements se réduire. Tout cela sans réel effet sur le développement du secteur bancaire : selon des chiffres de BNP Paribas, le total des crédits accordés dans la zone CFA s’élevait à 16 % du PIB en 2006, contre 80 % du PIB en Afrique du Sud ou à Maurice, les deux économies les plus développées au sud du Sahara. Autre statistique tout aussi inquiétante, celle concernant la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) : selon les mêmes experts, les sommes déposées dans les banques de la sous-région dépassaient de 25 % les prêts accordés !

La consolidation du secteur fait donc partie des impératifs pour bâtir un système bancaire équilibré et pérenne. Mais si les Français capitulent sur ce front, qui pourrait donc s’en charger ? Un certain nombre d’acteurs potentiels sont d’ores et déjà passés à l’action. Parmi eux, la Banque marocaine du commerce extérieur (BMCE Bank) est devenue, en 2007, l’actionnaire de référence du groupe Bank of Africa. Déjà actionnaire de la Congolaise de Banque en RD Congo, le groupe marocain dispose ainsi d’un réseau actif dans une dizaine de pays africains. Au début du mois d’avril, à Rabat, lors du Africa Emerging Markets Forum, Jaloul Ayed, administrateur-directeur général de BMCE Bank, soulignait les ambitions du groupe au sud du Sahara. Son objectif est, d’une part, de développer le réseau dans de nouveaux pays - notamment au Cameroun, au Congo-Brazaville, au Gabon et en Angola - et, d’autre part, de renforcer le pôle banque d’investissement et de capital-investissement en Afrique. « BMCE Bank a ainsi décidé de prendre une position d’acteur financier leader en Afrique en élargissant sa couverture à une part importante du continent d’ici à 2015 », précise Jaloul Ayed. De quoi faire peur à l’autre poids lourd marocain, Attijariwafa Bank, qui, lui aussi, a mené d’importantes opérations au sud du Sahara ? Au début de 2007, le groupe a acquis deux banques sénégalaises, l’une de taille modeste, la Banque sénégalo-tunisienne (BST), l’autre étant le leader du pays, la Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale (CBAO) cédée par la famille Mimran. En revanche, le groupe a buté tout au long de l’année 2007 sur l’acquisition de la Banque internationale pour l’Afrique au Niger (BIA Niger), mise en vente par Fortis. Mais ses ambitions de développement en Afrique de l’Ouest restent intactes. La conclusion définitive de l’acquisition de 79,15 % du capital de CBAO, intervenue le 21 avril dernier après six mois de négociations, lui confère désormais une position de première importance au Sénégal et dans la sous-région.

Access Bank vise 22 pays En Afrique centrale, le faible dynamisme du tissu bancaire et, surtout, ses liens encore très importants avec les pouvoirs politiques freinent pour l’instant l’appétence des banques internationales. Ce qui laisse le champ libre aux ambitions désormais clairement affichées par les établissements nigérians. Flanquées de plusieurs milliards de dollars de capitalisation boursière, dont elles ne savent réellement que faire, les banques nigérianes s’orientent peu à peu vers une expansion régionale. Le Ghana a été le premier pays visé à l’ouest. Suivi de la Gambie, puis du Liberia et de la Sierra Leone. Tout comme United Bank of Africa (UBA) - première banque du Nigeria et d’Afrique de l’Ouest par son total de bilan de 5 milliards de dollars -, Access Bank (huitième groupe bancaire du pays) annonce être déjà opérationnel dans sept pays hors Nigeria, avec des filiales en Zambie et en RD Congo. Il a même déjà avancé ses pions en zone francophone puisque, à la fin de mars, le groupe a été autorisé à prendre 88 % du capital de la banque ivoirienne Omnifinance, dans laquelle il a injecté quelque 11 millions d’euros. Ses compatriotes Diamond Bank et Zenith Bank auraient également demandé leur agrément en Côte d’Ivoire. Quant à UBA, elle l’a déjà obtenu. Cette dernière est par ailleurs entrée au capital de la Banque internationale du Burkina (BIB) et a créé une filiale au Cameroun. La volonté d’UBA de s’installer dans douze nouveaux pays africains d’ici à la fin de l’année 2008 et celle d’Access Bank d’en compter vingt-deux d’ici à cinq ans, via son holding Access Pan Africa, en disent long sur les ambitions des banques nigérianes et sur les opérations d’acquisitions qui se joueront dans les mois qui viennent. D’autant que d’autres pourraient se joindre à la danse, dont les banques du Golfe, qui semblent s’intéresser de plus en plus à l’Afrique de l’Ouest, notamment sur le marché de la finance islamique.

Reste à connaître leurs cibles… Parmi elles, seuls trois groupes régionaux sont susceptibles d’attirer d’éventuels acquéreurs. Les deux plus importants groupes, Ecobank et Bank of Africa, connaissent des sorts différents. Ecobank a, pour l’instant, bloqué la montée dans son capital de la banque d’investissement Renaissance Capital, affirmant sa volonté de conserver un actionnariat diversifié. De son côté, Bank of Africa est déjà tombée entre les mains de BMCE Bank, qui devrait continuer à renforcer ses parts dans le capital. Pour un acquéreur, choisir un groupe régional présente l’avantage de disposer, d’emblée, d’une implantation dans plusieurs pays. Mis à part Ecobank - sa valorisation en Bourse en fait une cible quasi inaccessible -, les groupes régionaux sont relativement bon marché : prendre 35 % du capital de Bank of Africa n’aura ainsi coûté qu’une trentaine de millions d’euros à BMCE, soit environ 3 millions d’euros par pays.

Les objectifs et l’avenir des groupes Banque Atlantique, Financial Bank et Afriland First Bank suscitent donc le plus vif intérêt. Le premier ne cache pas qu’il est, depuis plusieurs années, à la recherche d’un partenaire stratégique. Des discussions relativement avancées avec un groupe nigérian ont achoppé, au début de 2007. Depuis, le départ du directeur général Félix Bikpo, remplacé depuis peu par Charles Kié (ancien dirigeant de Citibank en Côte d’Ivoire), a ajouté encore un peu d’incertitude sur l’état d’avancement de l’ouverture du capital. « L’opération devrait avoir lieu d’ici au mois de juin, avance Koné Dossongui, président du groupe Banque Atlantique. Nous avons reçu de nombreuses sollicitations, de toutes origines, même de l’Iran. » Pour sa part, le Camerounais Paul Fokam, dirigeant d’Afriland First Bank et de plusieurs banques d’Afrique centrale, s’est récemment décidé à créer un holding qui regroupe toutes ses participations bancaires et, selon nos informations, l’entrée d’un partenaire de référence serait envisagée. Financial Bank, aujourd’hui entre les mains de la famille française Baysset, devra quant à elle ouvrir son capital avant 2010, afin de lever une quinzaine de millions d’euros. Objectif : se conformer aux nouvelles exigences de l’Uemoa, qui requièrent que d’ici à 2009 les établissements disposent de 5 milliards de F CFA de capital, et anticiper celles de la Cemac, qui devrait bientôt adopter une disposition similaire. C’est pour cette raison que l’ivoirienne Omnifinance s’est vendue à Access Bank. « Pressentant l’obligation de monter le capital à 10 milliards, nous avons entrepris, dès la fin de 2006, de développer des contacts avec des partenaires financiers », explique Simon Akabla, responsable marketing d’Omnifinance. Et ce sont aussi ces réformes qui devraient introduire, dans les années à venir, une nouvelle dynamique dans la zone CFA, en forçant les établissements à se doter de moyens financiers supplémentaires et, donc, à ouvrir leur capital. Les candidats sont désormais légion. La bataille va commencer.
(Source: Frédéric Maury, Jeuneafrique.com)

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