À l’origine des dysfonctionnements du secteur bancaire algérien
Hicham El Moussaoui est Docteur en Sciences économiques, chercheur au Centre d’analyse économique, Université Paul Cézanne. Avec la collaboration de www.UnMondeLibre.org
Depuis longtemps l’Algérie est pénalisée par son
système bancaire qui, en dépit de sa sur-liquidité, est incapable de
répondre aux besoins de financement du développement du pays. Cette
lacune de l’économie algérienne résulte essentiellement du manque
d’ouverture du secteur bancaire. Celui-ci reste sous l’emprise de
l’Etat puisque les banques publiques détiennent près de 90 % du marché,
tant en termes d’actifs que de crédits à l’économie. Le problème n’est
pas tant la domination des banques publiques, mais plutôt le fait que
l’activité bancaire est détournée vers le financement public. Outre les
subventions destinées à renflouer des entreprises publiques
défaillantes, les ressources collectées par les banques sont soit
absorbées par les titres d’Etat à court terme, soit allouées sous forme
de crédits à des entreprises publiques réputées mauvaises payeuses. Par
conséquent, le secteur privé se trouve évincé puisque l’essentiel des
fonds est alloué au secteur public. A ce titre, notons que le secteur
public absorbe 87,5% des crédits bancaires contre 32% au Maroc par
exemple. Cet effet d’éviction se trouve à l’origine de la faiblesse de
l’investissement privé. En témoigne le rapport des crédits bancaires
domestiques (ceux alloués au privé) au PIB qui est seulement de 26%,
alors que ce même rapport atteint 76% pour le Maroc et 78% pour la
Tunisie. Au fond, le problème du secteur bancaire algérien est un
problème de liberté économique lié, d’une part, à un cadre juridique
inadapté au développement de l’activité bancaire, et d’autre part, au
manque d’ouverture et de concurrence En effet, le poids des impayés et
des défaillances, conjugué aux difficultés à traiter les contentieux,
pousse les banques à être plus exigeantes sur les conditions d’octroi
de crédit. Une telle exigence fait augmenter les coûts de transactions
pour les clients, d’où le rationnement du crédit. Ces difficultés sont
liées à l’absence d’un système judiciaire indépendant et efficace dans
la protection des droits de créanciers, l’exécution des contrats et le
règlement des conflits en temps réel. Un cadre juridique adéquat est
incontournable pour le développement de tout système de financement car
la transformation d’actifs fonciers et immobiliers en capital financier
producteur de valeur ajoutée ne peut être réalisée sans que les titres
de propriété de ces actifs soient clairement établis et leur protection
soit effectivement garantie.
A côté de l’inadaptation du cadre juridique, le système bancaire
algérien est dominé par les banques publiques dont la gestion n’est pas
guidée par une logique d’efficacité. La mauvaise gestion des ressources
collectées par le système bancaire trouve son origine dans le problème
d’altération des incitations liée à la propriété et à la gestion
publiques des banques. En effet, dans les banques publiques, les
employés et les dirigeants n’agissent pas en fonction des besoins des
clients, mais en fonction des injonctions des bureaucrates et des
politiques. Dès lors, la propriété publique favorise plus la mauvaise
gouvernance car elle offre un terreau fertile à l’ingérence du
politique dans l’économique. Ainsi, retrouver le chemin de
l’efficacité, c’est-à-dire la transformation de l’épargne collectée en
crédits finançant des investissements créateurs de valeur ajoutée,
passe par l’ouverture à la fois des banques publiques au capital privé,
et du marché à la concurrence. L’entrée de partenaires privés dans le
capital des banques permet, d’une part, d’opérer une séparation entre
la fonction de Directeur Général de celle de président du conseil
d’administration dans le but de renforcer le contrôle interne des
banques, et d’autre part, de rationaliser la gestion en favorisant
l’émergence d’administrateurs professionnels, nommés à ce poste en
fonction de leurs compétences, et non plus selon des considérations
politiques.
Quant à l’ouverture du marché à tous les acteurs locaux et étrangers,
elle implique l’abandon des comportements de rente et l’adoption de
comportements productifs et performants. En effet, la concurrence
facilite, à travers la multiplication des offreurs, l’élimination des
situations de rente car la conquête et/ou le maintien de sa part de
marché passe désormais par la diversification de l’offre et par la
réduction des coûts. Cela profitera à la fois aux banques et aux
clients dans la mesure où elle permettrait aux premiers de fructifier
mieux les ressources collectées et aux seconds d’accéder plus
facilement aux financements. A cet égard, nous pouvons citer le cas du
Maroc dont le système bancaire a fait l’objet d’une série de réformes
allant dans le sens de l’ouverture (levée de l’encadrement du crédit,
abandon progressif de l’administration des taux d’intérêts, ouverture
progressive à la concurrence, etc.). Cette ouverture a permis
l’amélioration de l’accès des ménages et des entreprises à une offre de
crédits diversifiée et de plus en plus compétitive.
Bref, la consolidation de l’ouverture du système bancaire sur
l’extérieur, constitue pour l’Algérie une opportunité pour faire du
crédit un levier de croissance en permettant aux acteurs économiques de
bénéficier d’un financement diversifié et à moindre coût.
(Source: www.actubenin.com, 11/02/2008)