La bancarisation en Afrique: les contre-vérités du Forum Forbes 2014
Par Cheikhna Bounajim Cissé - Financial Afrik
Le 25 juillet 2014, s’est tenue à Brazzaville la troisième édition du Forum Forbes Afrique avec comme thème : «Les défis de la bancarisation : construire le modèle Africain». L’ancien président français Nicolas Sarkozy était la grande vedette de la rencontre. Sa présence en ces lieux et le montant de sa prestation présumée tarifée soulèvent plusieurs questions. Tout comme les battements de papillon du secteur bancaire africain. Quelles en sont les dessous de cartes ?
Près de deux siècles après l’implantation des premières agences bancaires dans les pays africains, l’Afrique reste la région la moins bancarisée au monde. Neufs Africains sur dix n’ont toujours pas accès aux services bancaires. Au Congo, la situation est plus inquiétante que la moyenne observée sur le continent : le taux de bancarisation est de 7%. La troisième édition du Forum économique de Brazzaville avait comme thème : «Les défis de la bancarisation : construire le modèle Africain ».
1- Le problème de la bancarisation n’est pas politique
Le problème de la bancarisation en Afrique n’est pas politique. Sa solution non plus. Elle est essentiellement économique. Or, «l’économie ne se change pas par décret» comme l’a rappelé si bien l’ancien premier ministre français Michel Rocard. Et le secteur bancaire constitue l’antichambre de l’économie. Dis-moi quel est l’état de ton système bancaire, je te dirai quel est l’état de ton économie. Ne confondons pas la fièvre et le thermomètre.
La réalisation des infrastructures de base (sécuritaires, routières, énergétiques, de télécommunications…) nécessaires à l’activité économique est de la responsabilité des autorités politiques et monétaires.
Par contre, le politique a peu d’emprise sur la promotion de la bancarisation qui demeure une conséquence purement statistique. C’est le rapport entre une donnée économique (nombre de comptes ou d’agences bancaires) au numérateur et une donnée démographique (population totale ou population active) ou géographique (superficie) au dénominateur. Ses manifestations dépendent des variantes utilisées. La superficie d’un lieu ou d’un pays est une donnée dans l’absolu stable. Sa prise en compte permet de mesurer le degré de maillage du territoire par une banque de détail. Pour ce qui est des flux démographiques, ils sont pratiquement hors de contrôle en Afrique.
Illustration : Le Niger, dont le président était l’un des invités au Forum, est un bon exemple. Selon le rapport annuel 2012 de la Commission Bancaire de l’UMOA, ce pays a le taux de bancarisation le moins élevé de l’espace sous-régional (1,9%). Le taux de pénétration de sa population rurale est encore plus faible (moins de 1%). Cette sous-bancarisation n’est pas seulement le fait de l’insuffisance des agences bancaires. Elle s’explique aussi par au moins deux facteurs.